La base américaine d’Yzeure : un pan méconnu de l’histoire locale (1951-1957)
Une conférence pour redonner vie à la mémoire d’une petite ville au temps de la guerre froide
Le samedi 4 octobre, à 15 heures, la Société d’Émulation du Bourbonnais organise à Yzeure, salle de la démocratie locale, une conférence exceptionnelle animée par Thierry Pinaud et Maurice Thuizat, membres de la Société. Leur objectif : faire revivre un épisode encore trop méconnu de l’histoire bourbonnaise, celui de la présence américaine à Yzeure entre 1951 et 1957.
Une petite ville bouleversée par la guerre froide
Dans les premières années de la guerre froide, l’OTAN décide d’implanter en Europe de l’Ouest plusieurs bases américaines. La gigantesque base de Châteauroux étant vite saturée, une annexe est installée au parc d’Artillerie d’Yzeure, au début de l’année 1951. « En quelques mois, une petite
ville de 8 000 habitants voit arriver près de 450 Américains et 500 Français recrutés pour faire fonctionner la base », explique Thierry Pinaud. « Cette implantation a transformé la vie locale,
avec ses apports, ses curiosités mais aussi ses difficultés. »
Le quotidien de la base et ses annexes
La mission initiale de la base était la réparation de camions et de matériels issus de la Seconde Guerre mondiale. Rapidement, l’ampleur des besoins entraîne la création d’annexes : un dépôt à Pételoup (Montbeugny) et un entrepôt à Villefranche-d’Allier. « La base d’Yzeure, ce n’était pas seulement des bâtiments militaires, c’était un véritable monde qui s’installait dans une petite cité bourbonnaise », souligne Maurice Thuizat. « On y croisait des militaires, des civils, des ouvriers, et l’ombre portée de l’American way of life s’est étendue jusque dans les rues de Moulins et d’Yzeure.»
L’American way of life en Bourbonnais
La présence américaine, avec ses jeeps, ses camions, ses familles, mais aussi ses loisirs et ses
habitudes de consommation, a marqué les esprits. Les habitants découvraient une société d’abondance encore inconnue en France. « Les témoignages recueillis montrent à quel point ce choc culturel a été ressenti, entre fascination et parfois crispations », raconte Maurice Thuizat. «
Les Américains participaient à la vie locale, les femmes américaines étaient présentes dans les associations, et certains jeunes ont adopté de nouveaux comportements. Mais il y eut aussi des tensions, des excès et même quelques drames. »
La fermeture de la base en 1957 Après seulement six années d’activité, la base est démantelée en 1957, lorsque les effectifs sont
rapatriés vers Châteauroux. Une fermeture brutale qui a laissé un vide économique et social. « Le départ des Américains a été vécu comme un coup d’arrêt », rappelle Thierry Pinaud. « Pour les ouvriers locaux qui y avaient trouvé un emploi, pour les commerçants, mais aussi pour toute une
ville qui s’était habituée à cette effervescence. »
Un travail de mémoire nécessaire
La conférence s’appuie sur un document de 45 pages, disponible sur le site de la ville d’Yzeure, enrichi de nombreuses photos et vidéos. Elle s’inscrit dans une volonté de mémoire. « Ce travail illustre parfaitement le rôle de la Société d’Émulation du Bourbonnais », explique son président,
Sébastien Joly. « Notre mission est de raviver ces pans d’histoire oubliés, de transmettre aux plus jeunes comme aux anciens la richesse et la complexité du passé local. La présence américaine à Yzeure n’est pas qu’un épisode militaire : elle dit beaucoup de la France des années 1950, de ses
liens transatlantiques et des mutations de la société. » Et de conclure : « L’histoire n’est pas faite seulement de grandes dates nationales : elle s’incarne aussi dans des territoires comme le nôtre, où
les habitants ont côtoyé l’Histoire avec un grand H. »

